Quelles montres porte Emmanuel Macron ?

Emmanuel Macron a ceci de particulier qu’il semble posséder, au poignet, une collection de montres plus fournie que sa cote de popularité. Et ce n’est clairement pas en achetant ces montres qu’il a creusé la dette française : le parc horloger du Mozart de la dépense reste modeste à l’échelle d’un chef d’État occidental. En revanche, il est redoutablement cohérent.

De la Lip à moins de 200 €, aux rectangles feutrés de Cartier ou Longines, en passant par une Pequignet de manufacture tricolore, la montre présidentielle raconte mieux la stratégie d’image de Macron que bien des communiqués de presse. Patriotisme industriel, écologie de salon, discrétion bourgeoise : tout est là, condensé dans quelques centimètres de métal et de saphir.

Les montres françaises (et franco-françaises) d’Emmanuel Macron

On pourrait s’attendre, chez un président formé à l’Inspection des finances, à voir scintiller une Patek ou une F.P. Journe. Il n’en est rien. La plupart des montres de Macron sont françaises, ou au moins « franco-suisses », et à des niveaux de prix qui feraient presque rougir certains députés au moment de déclarer leur patrimoine.

Lip Dauphine – la montre tricolore à moins de 200 €

C’est probablement la montre la plus « lisible » politiquement. En 2018, Macron est aperçu avec une Lip Dauphine de 38 mm au poignet, montée sur un bracelet NATO bleu-blanc-rouge. Boîtier acier, mouvement à quartz simple, trois aiguilles, prix public aux alentours de 170–200 €.

Pour un président, c’est presque l’anti-Rolex : made in France, symbole d’une maison historique qui a failli mourir plusieurs fois, ressuscitée à Besançon. Une montre totalement « grand public », que n’importe quel salarié peut s’offrir sans s’endetter sur 25 ans. L’image est parfaite : au poignet, une icône populaire plutôt qu’un trophée de milliardaire.

Awake G7 « La Bleue » – l’éco-storytelling au poignet

Lors du G7 de Biarritz en 2019, Macron porte une Awake G7 « La Bleue », édition spéciale réalisée pour le sommet. Le boîtier est fabriqué à partir de filets de pêche recyclés, le bracelet tricolore en plastique récupéré, et le mouvement est alimenté par un module solaire. Une montre manifeste : moins d’horlogerie fine que de pédagogie environnementale.

Le message est transparent : la France préside un G7 « vert », le président porte une montre qui coche toutes les cases de la vertu contemporaine – recyclage, énergie renouvelable, édition limitée, made in France. Sur l’échelle de l’authenticité, chacun se fera son avis. Sur le plan du storytelling, c’est imparable.

Merci LMM-01 – la fausse montre d’étudiant fauché

On a également vu Emmanuel Macron avec une Merci LMM-01 au poignet, création du concept-store parisien Merci. Boîtier acier d’environ 38 mm, verre minéral bombé, cadran blanc ultra-sobre, aiguilles noires et trotteuse colorée. À l’intérieur, un calibre mécanique manuel suisse (ETA ou Sellita selon les séries), remontage quotidien à la main, comme au siècle dernier.

La LMM-01 est un objet très parisien : faussement simple, très travaillé dans ses proportions, inspiré des montres militaires et scientifiques des années 40–60. Son prix se situe aux alentours de 400–600 €. C’est la montre du prof de prépa qui lit Proust mais roule en Clio, ou du conseiller ministériel qui n’a pas encore basculé du côté obscur des bonus. Sur Macron, elle raconte une chose simple : « je connais l’horlogerie, mais je ne frime pas. »

March LA.B AM69 Electric Steel – le clin d’œil swing sixties

Macron a été plusieurs fois photographié avec une March LA.B AM69 « Electric Steel » au poignet. Une montre française dessinée à Biarritz, boîtier rond de 36 mm en acier, couronne décalée à 4 h, cadran clair légèrement bombé, et mouvement à quartz suisse. Le tout pour 645 €.

C’est une montre très « Rive Gauche » : taille contenue, allure 60’s assumée, élégance sans emphase. Sur un président, cela donne une silhouette presque anachronique à l’heure des boîtiers XXL : un chef d’État qui porte du 36 mm dans un monde où tout le monde a 44 mm au poignet, c’est déjà, en soi, un choix politique.

March LA.B Mansart / Dandy Mansart Forêt Électrique – l’architecture française en 30 mm

Autre signature de March LA.B aperçue sur son poignet : la Mansart, parfois référencée comme Dandy Mansart Forêt Électrique. Boîtier octogonal très fin, autour de 30 mm de côté, cadran vert profond dit « Grall », mouvement à quartz. Son prix ? 795 €.

Le dessin est inspiré de l’architecture française classique, avec des lignes qui évoquent à la fois les toits de Mansart et certaines façades parisiennes. Sur Macron, cette petite montre anguleuse, presque précieuse, remplace les Tank de Cartier de ses débuts par une version contemporaine, française, plus « prix sage ». Le rectangle aristocratique s’est transformé en octogone républicain.

Bell & Ross BR V1-92 « Présidence de la République » – la fausse montre à 80 000 €

La montre la plus commentée de Macron n’est ni la plus chère, ni la plus rare. C’est une Bell & Ross BR V1-92 personnalisée, boîtier acier de 38,5 mm, cadran bleu soleillé, trois aiguilles et date. À l’intérieur, un calibre automatique BR-CAL.302, basé sur un mouvement suisse Sellita SW300-1, réserve de marche d’environ 38 heures.

22 mars 2023. En pleine crise des retraites, Macron est invité au 13 heures de TF1 et France 2. Au milieu de l’interview, les internautes repèrent un geste : il enlève discrètement sa montre sous la table. Il n’en fallait pas plus pour qu’un récit s’emballe : « le président des ultra-riches retire sa montre à 80 000 € payée avec vos retraites ».

Certains parlent même d’une F.P. Journe. Les vidéos tournent, les tweets s’empilent, les indignations s’additionnent. La réalité, bien plus prosaïque, tombera ensuite : la montre en question est la Bell & Ross BR V1-92 personnalisée de la Présidence, autour de 2 400 €. Macron l’a retirée après l’avoir cognée contre le rebord de la table, ce qui avait fait un bruit capté par les micros.

L’épisode est intéressant parce qu’il montre à quel point la montre est devenue un symbole politique explosif. Dans un pays obsédé par la question du pouvoir d’achat, le moindre boîtier en acier peut être interprété comme un aveu de mépris de classe. D’où la stratégie globale de Macron : rester dans une gamme de prix qui ne donne pas prise à la caricature, tout en satisfaisant un vrai goût pour l’objet.

Particularité : le fond et le cadran portent les armoiries de la Présidence de la République et le logo du GSPR. Une montre d’inspiration militaire, cohérente avec l’ADN de Bell & Ross, maison française qui produit en Suisse. Prix public : autour de 2 400 € au moment de sa sortie. On est donc très loin des 80 000 € fantasmés sur les réseaux sociaux.

Pequignet Attitude Élysée – la « montre officielle »

Dernière venue dans la galaxie présidentielle : la Pequignet Attitude « Élysée ». Montre en série limitée à 300 exemplaires, développée par la manufacture française Pequignet pour la Présidence de la République. Boîtier acier de 39 mm, cadran blanc opalin, aiguilles bleues, grand guichet de date, bracelet cuir bleu surpiqué de rouge, et surtout le sceau de l’Élysée à 6 h, avec le monogramme « RF » sur la couronne et la masse oscillante.

À l’intérieur bat le Calibre Initial, mouvement automatique de manufacture, conçu et assemblé en France, avec une réserve de marche généreuse (environ 65 heures) et un système de date semi-instantanée breveté. Prix public : 3 500 €.

Les montres suisses et internationales

Au-delà de ce socle très tricolore, Macron a aussi, logiquement, quelques montres suisses plus classiques. Pas de débauche de complications, mais des valeurs sûres, héritées de ses années Bercy et de ses débuts en politique nationale.

Cartier Tank – le rectangle chic qui a disparu des poignets français

Avant son accession à l’Élysée, Emmanuel Macron a été plusieurs fois vu avec une Cartier Tank au poignet. Boîtier rectangulaire en or rose, cadran clair, chiffres romains, minuterie chemin de fer, petite seconde à 6 h sur certaines photos. Comptez au minimum 15 000 euros pour vous l’offrir. Une autre Tank, au boîtier acier ou or gris, a également été repérée.

La Tank est un totem du chic français : portée par Jackie Kennedy, Andy Warhol, Alain Delon… et quantité de ministres, d’avocats, de grands patrons. Depuis qu’il est président, Macron semble cependant l’avoir reléguée en coulisses – sans doute pour éviter l’image trop ostentatoire d’une montre de haute joaillerie dans un contexte social inflammable. Aux déplacements internationaux, on l’aperçoit parfois encore. En France, elle voyage plus volontiers dans le tiroir que sur le poignet.

Longines DolceVita – le compromis art déco abordable

Dans la même veine rectangulaire, mais en plus « raisonnable », Macron porte aussi une Longines DolceVita. Boîtier acier rectangulaire d’un peu plus de 30 mm, cadran argenté guilloché, chiffres romains ou index appliqués selon la version, mouvement à quartz et bracelet cuir.

Avec un prix aux alentours de 1 000–1 200 €, la DolceVita est un compromis typiquement Longines : design très soigné, vraie légitimité historique, mais ticket d’entrée encore accessible pour de la belle horlogerie suisse. C’est, en quelque sorte, la Tank de quelqu’un qui ne veut pas assumer une Tank.

Fabergé Altruiste – l’incursion dans la vraie haute horlogerie

Plus rare sur les photos, mais confirmée par plusieurs observateurs : une Fabergé Altruiste (souvent orthographiée « Altruiste » ou « Altruist », la référence est 864WA1691/24). Boîtier en or rose, cadran guilloché opalin, aiguilles bleuies de type Breguet, mouvement mécanique suisse haut de gamme, décoration soignée jusque sur les flancs de la carrure et la masse oscillante.

On change ici de braquet : on est dans une vraie pièce de haute horlogerie, avec un prix de 19500 €. Macron l’a portée de manière très ponctuelle. À l’échelle d’un président français, ce n’est pas extravagant – Nicolas Sarkozy avait une collection de montres nettement plus musclée – mais c’est probablement la montre la plus luxueuse associée à son poignet.

Ce que ses montres révèlent de sa stratégie d’image

Aligner les références, c’est bien. Comprendre le message global, c’est mieux. Quand on met toutes ces montres bout à bout, on obtient une partition assez claire.

• Patriotisme économique affiché : Lip, Awake, March LA.B, Merci, Pequignet… Macron fait tourner au maximum le made in France (ou le franco-suisse) au poignet. La Pequignet Attitude Élysée pousse même la logique à son paroxysme, avec un calibre de manufacture française.
• Prix « sages » pour un président : mis à part la Fabergé ou la Tank, la plupart de ses montres se situent entre 200 € et 3 500 €. Pour le citoyen lambda, c’est déjà beaucoup. Pour un chef d’État, c’est raisonnable. D’autant que la plupart ont certainement été offerte par les marques. Sa collection est clairement plus importante que sa cote de popularité, mais bien moins lourde que la dette publique.
• Taille contenue, élégance discrète : 30 à 38 mm, rarement plus. Macron reste sur des proportions classiques, presque old school, loin des chronographes de 45 mm chers aux influenceurs auto-proclamés.
• Équilibre quartz / mécanique : contrairement au fétichisme de certains collectionneurs, il alterne sans complexe entre mouvements à quartz (pratiques, précis, peu coûteux) et mécaniques (Merci, Fabergé, Pequignet). Une approche pragmatique, presque technocratique de l’horlogerie.
• Discours écologique intégré : Awake G7 coche méthodiquement les cases de la montre durable. Que l’engagement soit sincère ou non, le signal envoyé est clair.

Au fond, ses choix disent la même chose que ses discours : une France moderne, connectée au monde, mais qui continue d’exhiber ses manufactures historiques comme un blason. Et un président qui aime assez les montres pour en porter beaucoup, mais pas assez pour assumer publiquement une grande complication à six chiffres.

FAQ : les montres d’Emmanuel Macron

Quelles sont les principales montres portées par Emmanuel Macron ?

Parmi les modèles identifiés sur des photos et apparitions publiques : Bell & Ross BR V1-92 personnalisée « Présidence de la République », Lip Dauphine NATO tricolore, Awake G7 « La Bleue », March LA.B AM69 Electric Steel, March LA.B Mansart / Dandy Mansart Forêt Électrique, Merci LMM-01, Longines DolceVita, plusieurs Cartier Tank, une Fabergé Altruiste en or rose, et – plus récemment – la Pequignet Attitude Élysée, développée pour la Présidence.

Macron a-t-il vraiment une montre à 80 000 € ?

La polémique autour d’une montre à 80 000 € lors d’une interview sur les retraites était infondée. La montre retirée en direct était une Bell & Ross BR V1-92 autour de 2 400 €. En revanche, il possède au moins une montre de haute horlogerie plus coûteuse, une Fabergé Altruiste, mais elle n’a jamais été au cœur d’un scandale.

Pourquoi porte-t-il autant de montres françaises ?

Parce que cela coche toutes les bonnes cases : soutien au savoir-faire tricolore, image plus sobre que celle d’un président couvert de marques suisses ultra-luxe, cohérence avec le récit du « Fabriqué en France ». Lip, March LA.B, Awake, Merci et Pequignet racontent la même histoire : celle d’une filière horlogère française qui veut vivre, et d’un président qui lui sert de vitrine.

La Pequignet Attitude Élysée est-elle la « montre officielle » de Macron ?

C’est en tout cas la plus institutionnelle. Série limitée à 300 pièces, calibre de manufacture française, sceau de l’Élysée au cadran, monogrammes « RF » partout où l’on peut les graver. Même si elle n’apparaît pas encore sur toutes les photos, elle est appelée à devenir l’un de ses garde-temps emblématiques pour les grandes cérémonies.

Emmanuel Macron est-il un vrai passionné d’horlogerie ?

Ce n’est pas un collectionneur obsessionnel, mais il est clairement au-dessus du simple porteur occasionnel. Le choix des marques, la cohérence des tailles, l’alternance quartz / mécanique, et l’arrivée d’une vraie montre de manufacture comme la Pequignet Attitude Élysée montrent qu’il connaît le sujet, ou qu’il s’est très bien entouré. Disons qu’il est assez passionné pour s’amuser avec les codes de l’horlogerie… et suffisamment prudent pour ne jamais donner l’impression de le faire aux frais du contribuable.